Ce que les neurosciences apportent à l’accompagnement au changement
En 2005, Nydia Cappas, Raquel Andres-Hyman, et Larry Davidson de l’École de médecine de l’Université Yale décrivent sept principes de psychothérapie fondés sur le cerveau :
1. La génétique et l’environnement interagissent dans le cerveau pour façonner l’individu.
Les gènes et l’expérience modifient le cerveau à travers le même mécanisme : la modification des synapses. Chez l’homme, la modification de l’expression des gènes par l’apprentissage (de manière non transmissible) est particulièrement efficace et a conduit à un nouveau type d’évolution: l’évolution culturelle. La possibilité d’apprentissage est tellement développée chez l’homme que l’humanité change beaucoup plus par évolution culturelle que par l’évolution biologique (p. 461).
Un accompagnement, en tant qu’environnement stratégique et ciblé, destiné à améliorer l’apprentissage, peut être un moyen particulièrement efficace de façonner l’expression des gènes.
2. L’expérience transforme le cerveau.
Une nouvelle expérience renforce ou affaiblit les connexions neuronales. Le cerveau est capable de neurogenèse, c’est-à-dire la naissance de nouveaux neurones, et cette capacité est conservée tout au long de la vie (Eriksson et al., 1998; Gross, 2000). Les neurones générés à la suite de l’expérience sont associés à une amélioration de la mémoire et de la plasticité cérébrale (Van Praag et al., 2002).
Les zones du cerveau associé aux émotions et à la mémoire sont très plastiques; parmi eux sont les cortex préfrontal, l’amygdale et l’hippocampe (Davidson, Jackson et Kalin, 2000).
3. Nos différentes façons de mémoriser créent nos souvenirs.
Notre bien-être, le développement de notre personnalité et nos émotions sont clairement liées à la capacité de stocker et de récupérer les informations rassemblés dans la vie quotidienne (Conway, 2003), c’est la capacité à convoquer «la reconstitution mentale consciente des événements passés vécus personnellement » autrement connu comme mémoire épisodique (Dudai, 2002, p. 91).
Nos mémoires ne résultent pas d’un fidèle compte rendu de ce qui s’est passé. Les souvenirs sont construits au moment de leur récupération, et en fonction de la méthode utilisée pour les récupérer.
Les «mémoires autobiographiques» qui racontent l’histoire de nos vies sont toujours en cours de révision précisément parce que notre sens de soi l’est aussi. Nous extrayons continuellement de nouvelles informations de vieilles expériences et en comblant les lacunes de manière à servir une demande actuelle. Consciemment ou non, nous utilisons l’imagination pour réinventer notre passé, et avec lui notre présent et notre futur. (p. 66)
4. Les processus cognitifs et émotionnels travaillent ensembles.
Les émotions sont des réponses corporelles qui ont évolué par nécessité et survie. Originaire du système limbique, elles dérivent des plus anciennes structures du cerveau (Le Doux, 1997). La réaction de combat ou de fuite, qui est typique à travers les espèces et développé à partir du besoin pour survivre, implique l’activation du système nerveux central en réponse à une stimulation menaçante. L’activation du système nerveux central prépare le corps à l’action, que ce soit pour combattre ou pour s’échapper. En revanche, les sentiments sont «la représentation mentale des changements physiologiques caractéristiques des émotions »(Damasio, 2001, p. 781). En d’autres termes, les sentiments sont le sens humain assigné aux émotions.
Selon Damasio (2001), les sentiments servent à renforcer les émotions pour stimuler l’apprentissage et l’anticipation des événements futurs similaires.
Les aires du cerveau traitant des sentiments diffèrent de ceux qui produisent des émotions. Contrairement aux émotions qui reposent sur les régions sous-corticales du le cerveau – l’amygdale et le cortex préfrontal – les sentiments naissent dans le néocortex, l’aire associée à la mission de sens. Damasio (2003) a résumé ceci distinction en déclarant: «Les émotions jouent sur la scène du corps. Les sentiments jouent sur la scène de l’esprit »(p. 28). C’est la raison pour laquelle nous confondons par exemple la tristesse et la colère, l’anxiété et la peur. Il y a confusion entre une émotion primaire et secondaire qui est appelé ici « sentiment » (la signification) : nous pouvons être en colère (sentiment secondaire) d’avoir eu peur (émotion primaire), ou triste d’avoir peur…
L’activation émotionnelle peut affecter le fonctionnement cognitif et le stockage de la mémoire en stimulant l’amydale. Comprendre leur interaction neurocognitive peut servir le processus d’accompagnement, par l’exploration des significations données à des émotions et aux réactions. C’est par exemple un moyen d’aider à une prise de décision.
5. Les relations et l’attachement sont les fondations du changement.
Au cours de la petite enfance, la relation interpersonnelle entre celui qui apporte des soins et le nourrisson a des conséquences sur les circuits neuronaux et détermine la régulation des émotions et des relations futures.
Cependant, les circuits du cerveau impliqués conservent leur plasticité tout au long de la vie, de sorte qu’un accompagnement peut aider un patient/client à changer ses connexions cérébrales et améliorer sa régulation émotionnelle.
Des relations de soutien à l’âge adulte peuvent modifier les rythmes circadiens, la vitesse de récupération de la maladie, et générer à d’autres effets physiologiques positifs (Hofer & Sullivan, 2001). La reconnaissance, la bienveillance, l’acceptation et la valorisation sont par exemple des atouts indéniables pour améliorer l’estime, la confiance en soi et la capacité d’action d’autrui.
6. L’imagination et l’action sont une même chose pour le cerveau.
L’imagerie mentale active et stimule les mêmes systèmes cérébraux que les perceptions réelles. Elle utilise les mêmes voies neuronales.
Lorsque les coachs utilisent la « question miracle », une technique pour envisager un futur différent, ils peuvent également évoquer le changement comme une expérience réelle, du fait de ces aires neuronales communes. La « question miracle » est une technique de thérapie brève de De Shazer qui permet au patient de se projeter dans un futur où le problème n’existe plus.
Ces résultats expliquent la raison pour laquelle l’imagerie mentale peut être très efficace dans le traitement des affections comme la douleur, la peur, la phobie et l’anxiété.
7. Notre cerveau est influencé par des informations inconscientes.
Le cerveau peut traiter les informations non verbales et inconscientes. Par exemple, en observant les mouvements des mains, le comportement du corps et l’expression du visage, on peut conclure qu’une personne est inquiète.
Ces signaux ne sont pas toujours consciemment perçus ni toutes les formes de comportement non verbal interprétables. Cependant, il est possible de réagir à cette perception inconsciente.
Les processus inconscients ont une grande influence sur la pensée, les sentiments et l’action (Merikle & Daneman, 2000). L’expérience préalable à une action peut influencer les choix ultérieurs. Et les informations traitées inconsciemment peuvent également influencer le processus de coaching.